Et sinon, comment ça va à la maison ?
Et oui, parce que compter sur Maman pour reprendre ses études, puis les abandonner deux mois après, comporte des risques.Curieusement elle a plutôt bien réagi le soir où je le lui ai annoncé, en larmes au téléphone. "Oh tu sais c'est ta vie, c'est ton chemin, si c'est pas ton truc c'est pas grave".
Pour la petite histoire, j'étais censée sortir de là documentaliste diplômée, et suivre la voie de Maman dans le monde merveilleux des bibliothèques. Que j'aime beaucoup. Mais deux cours de catalogage ont suffi a me convaincre que non, cette carrière n'était pas pour moi. Cet été ça me semblait jouable, mais une fois sur les bancs de l'école... Rien à faire, quand ça m'intéresse pas, je peux pas m'y coller.
Le lendemain, sur le chat de Gmail, je me suis fait pourrir. Je vous passe les détails mais la conclusion a été que si je ne pouvais pas couper le cordon moi-même, elle allait le faire pour moi. Prière de ne plus la contacter. Ne me demandez pas comment on en est arrivées là. J'ai pas tout suivi moi-même. Pour faire bref, j'ai tout pour être heureuse mais je ne le suis pas, la faute au cordon pas coupé, donc ciao. Enfin si c'est pas ça, Maman, tu peux poster un démenti dans les commentaires dessous.
Je n'en veux pas à ma mère. Je suis intelligente, pas trop moche, diplômée (un truc qui sert à rien mais bon, diplômée, le rêve de ma mère), en couple avec un homme merveilleux (objectivement merveilleux, je sais pas si certains réalisent ce que ça représente), fraîchement installée avec lui dans un appartement spacieux dans le quartier que je visais, j'ai un chat femelle (j'évite le mot pour pas me retrouver dans les résultats de recherche d'ados pervers) qui fait pas trop chier. Mais je suis dépressive. Depuis mes 13 ans. Période où mes parents se sont séparés. Oh ben ça alors.
Bref elle supporte pas de m'entendre dire que la vie ne m'intéresse pas et que si j'avais la méthode garantie efficace et sans douleur, je me foutrais en l'air. A sa décharge, je réalise que c'est pas un truc à dire à sa mère. C'est comme la menacer d'écrabouiller son beau chateau de sable. Mais bon, si on peut plus parler à sa mère...
Enfin là c'est officiel, moi je peux plus. Avec Noël qui se profile, ça risque d'être gai, une fois de plus. En même temps ça me changera pas beaucoup, je n'appelle jamais ma mère. Rien à lui dire à part que ma vie stagne et que je vais mal. Donc je ne l'appelle pas. En un sens, ça fait des années que je l'épargne. Et quand je m'ouvre à elle, je me fais jeter. Mais fallait pas demander, Maman.
Et avec ton père, comment ça va ? Oh ben, il est égal à lui même, cordial, souriant, mal partout et mal pensant. Il vient faire sa représentation de père mais n'est toujours pas crédible, de plus en plus largué dans ses discours, joue les types à l'aise mais l'est de moins en moins. Il n'était pas proche de nous, maintenant qu'il vit là bas avec sa compagne près de ses enfants à elle, c'est définitif, il est loin. Il vieillit. Il mourra sans que je l'aie vraiment bien connu. C'est vraiment n'importe quoi la vie.
Et... Ton couple ? Que dire... Cet homme est merveilleux. Je le perdrai certainement un jour. Le jour où il n'en pourra plus de mes jérémiades. Hier il m'a redit qu'il m'aimait, que je pouvais compter sur lui pour des projets à long terme, qu'il me soutiendrait dans mes choix professionnels... S'il ne s'agissait que de ça, chéri... En réponse je lui disais que je ne pouvais faire confiance à personne, même pas à lui, parce que faire confiance est la chose la plus imprudente à faire, les humains étant ce qu'ils sont : faillibles, faibles, et enfin, mortels. Je lui disais que pour cette raison, je ne pourrais jamais faire d'enfant avec quelqu'un, ni acheter une maison. Je lui disais que tomber amoureux de quelqu'un d'autre est une chose qui pouvait lui arriver, que c'était la vie, et qu'il me quitterait. Que ça pouvait m'arriver aussi, bien sûr. Et que les choses étant ce qu'elles sont, il était déraisonnable de construire avec un autre humain. Il avait l'air triste.