Trop moche pour sortir
Hier j'avais des choses à faire. Hors de chez moi. J'ai préféré remettre au lendemain.
Aujourd'hui j'ai toujours ces choses à faire, plus une autre, une chose juste pour moi, agréable et tout : un massage. Mais, finalement, je préfère régler ces choses par téléphone, en remettre une partie à plus tard, et renoncer au massage. Il faudrait aussi que je sorte les poubelles, mais je vais demander à l'Homme de s'en charger.
Ce soir des inconnus doivent venir visiter notre appartement, parce que nous déménageons. Je vais faire de mon mieux, rester calme et digne. Mais ça va me coûter.
Pourquoi ?
Parce que je suis trop moche. Pour sortir, pour être vue, pour être touchée. Ne parlons même pas de sexe.
Je continue de grossir, pourtant mes habitudes n'ont pas changé. Plus précisément, elles sont toujours aussi mauvaises. Sauf que pour une raison ou une autre, depuis une bonne année maintenant, ces habitudes ont un impact sur mon apparence physique.
Je ne rentre plus dans aucune de mes fringues, alors je les donne à Emmaüs. Pas à mes copines, elles sont toutes bien plus minces que moi. Je les écoute déblatérer sur les bras si moches, les "épaules de nageuse", d'une telle qui a tellement "pris". Je reste impassible, mais en mon fort intérieur je bouillonne. Ne voient-elles donc pas que mes bras à moi sont encore plus gras et flasques ? Et elles rient, méchamment, abondamment, odieuses. Pas contre moi non, bien sûr. Mais ça revient au même.
Malgré un traitement médical contre l'acné, il y a deux ans, ma peau garde un aspect, disons, juvénile. Une éternelle ado, avec des "spots" plein le visage. Des points noirs plein le nez, qui réapparaissent inlassablement, malgré les extractions violentes que je leur (me) fais subir. Bien sûr je pourrais ne pas les toucher, les gratter, les extraire, les exploser... Mais je ne supporte pas ces trucs dans ma peau. Plus j'y touche, plus c'est moche, mais tant qu'il subsiste du sébum ou du pus, je ne peux pas me résoudre à laisser tomber. Du coup, une chose en amenant une autre, ces jours-ci mon visage est ravagé. Littéralement. Comme si je me scarifiais le visage.
Alors voilà, je suis trop moche pour sortir de chez moi.